Marietje Schaake The The Coup

Renverser le Coup d’État Technologique

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Renverser le Coup d'État Technologique
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Salut et bienvenue dans La Tech à l’Envers, le média qui décrypte l’envers de la Tech pour en développer un usage éthique et éclairé.

Je m’appelle Clément Donzel et suis expert en cybersécurité et en protection de la vie privée numérique.

Aujourd’hui, on s’intéresse à l’ouvrage The Tech Coup, écrit par Marietje Schaake, qui décrit comment les géants de la Tech sont en train, selon l’auteure, de réaliser un coup d’État technologique au détriment des citoyens et des nations. C’est parti pour un nouvel épisode de la Tech à l’Envers !

Au cours des dernières décennies, sous couvert d’« innovation », les entreprises technologiques ont résisté avec succès à la réglementation et ont même commencé à prendre du pouvoir aux gouvernements eux-mêmes. Les entreprises de reconnaissance faciale (rappelez-vous notre précédent podcast sur Clearview AI) suivent à la trace les citoyens dans le cadre de la surveillance policière. Les crypto-monnaies ont anéanti l’épargne de millions de personnes et menacent la stabilité du système financier mondial. Les entreprises de logiciels espions (je vous invite à lire l’enquête passionnante de Laurent Richard et Sandrine Rigaud nommée Pégasus, démocraties sous surveillance) vendent des outils d’intelligence numérique à tous ceux qui peuvent se les permettre. Cette nouvelle réalité, où la technologie non réglementée est devenue un instrument puissant pour les autocrates du monde entier, est une terrible nouvelle pour les démocraties et les citoyens ». Voilà pour la thèse de départ du livre.

Il est de coutume de dire que le législateur n’y comprend généralement pas grand-chose à la technologie. On se rappelle par exemple du Sénateur Orrin Hatch qui demandait lors de l’audition en 2018 à Mark Zuckerberg, le patron de Méta, comment Facebook faisait pour gagner de l’argent. Avec la publicité bien sûr ! Comment dans ce cas le législateur pourrait-il réglementer un secteur qui avance avec une grande célérité et qui s’est fixé comme devise de bouger rapidement en cassant les choses…(move fast and break things). Marietje Schaake, ancienne parlementaire européenne de 2009 à 2019 nous démontre avec talent que le législateur peut être tout à fait compétent pour comprendre et analyser les forces en présence.

Partageant donc son expérience de terrain, Marietje Schaake nous livre les tractations secrètes qui ont lieu à Bruxelles, en Silicon Valley et dans les lieux de pouvoir entre les faiseurs de lois et les puissances privées. On y découvre l’ampleur des tactiques et stratégies déployées par les acteurs de la Tech pour consolider leur pouvoir, influencer le législateur et empêcher toute réglementation qui pourrait impacter négativement leurs revenus.

De plus en plus dépendants des services technologiques, les États semblent démunis et plus que jamais inféodés à des patrons de la Tech dont l’influence dépasse de nombreux États.

Pour exemple, Elon Musk tweetait sur X le 30 avril 2023, juste avant son contrat avec le Pentagone: « Entre Tesla, Starlink et Twitter, j’ai peut-être plus de données économiques mondiales en temps réel dans une seule tête que quiconque ». Assurément.

Loin d’être résignée, Marietje Schaake nous livre de nombreuses pistes qui pourraient permettre de reprendre le contrôle d’un secteur en roue libre et qui ne rend de compte à personne. Quelques exemples de solutions proposées : Mieux encadrer les data brokers, réduire les opportunités commerciales des acteurs de la reconnaissance faciale, contraindre l’écosystème numérique à la transparence en limitant l’usage de sociétés écrans, forcer l’édition de rapport sur l’impact écologique des data centers et des fabrications du matériel informatique, rendre public les évaluations des politiques technologies lorsque ces dernières sont opérées par des acteurs privés avec des fonds publics,  etc…

Les États et les institutions internationales ont des marges de manœuvres et un pouvoir de négociation qu’ils n’utilisent pas ou trop peu (par exemple, le gouvernement fédéral des États-Unis est le plus grand acheteur de produits IT dans le monde, lui donnant un pouvoir de négociation immense mais qui pourrait être mieux utilisé).

Bref, mettre enfin un terme à ce Far West technologique qui tend à éloigner les intérêts commerciaux des acteurs de la Tech des intérêts des consommateurs.

Si les plus libéraux d’entre nous y verront un frein à l’innovation (rhétorique bien connue des acteurs de la Tech), la réglementation semble bien l’un des instruments les plus puissants qu’il soit pour mettre au pas une industrie qui ne semble plus avoir de limite.

Si ce sujet vous intéresse, je vous invite à courir chez votre libraire préféré pour faire l’acquisition de cet ouvrage passionnant, qui je l’espère sera bientôt traduit en Français.

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