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Peter Thiel portrait

Le monde selon le libertarien Peter Thiel

Homme de l’ombre, porteur d’une idéologie libertarienne extrême, Peter Thiel influence le secteur de la technologie et la politique. Après les États-Unis, il s'attaque à l'Europe.
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Le monde selon le libertarien Peter Thiel
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Je m’appelle Clément Donzel et suis expert en cybersécurité et en protection de la vie privée numérique.

Aujourd’hui, on s’intéresse à Peter Thiel, sulfureux milliardaire américain, entrepreneur et investisseur de la Tech. L’entreprise PayPal qu’il cofonde en 1998 et qu’il introduit en bourse quatre ans plus tard lui assurera sa fortune, ainsi que celle de ses anciens collègues, qui comptent Elon Musk, Reid Hoffman ou encore David Sacks. En 2004, il devient l’un des premiers investisseurs extérieurs à Facebook et lance avec Sacks Palantir Technologies, un éditeur de gestion et d’analyse de données qui compte comme clients la sécurité nationale américaine et les acteurs de la finance mondiale. Homme de l’ombre, porteur d’une idéologie libertarienne extrême, son influence dans le secteur de la technologie et en politique n’est plus à démontrer comme nous allons le voir.

Aux origines de la pensée libertarienne

Alors qu’il est étudiant à Stanford au début des années 1990, Peter Thiel suit les enseignements du philosophe français Réné Girard. Le libertarien s’appuie notamment sur les concepts de désir mimétique et de bouc-émissaire du français pour formaliser sa penser et réfuter les lois de la concurrence. Il dénonce par exemple le déclenchement de la procédure anti-trust contre son ami Bill Gates en 2001.

En 2009, il écrit dans un article intitulé l’éducation d’un libertarien qu’« [il] ne crois plus que la liberté et la démocratie soient compatibles ». Pour Thiel, la démocratie libérale est un système trop faible pour faire face aux enjeux du XXIe siècle.

Dans son seul et unique ouvrage, De Zéro à Un, comment construire le futur, il condense le contenu des cours qu’il donne alors qu’il enseigne à l’Université de Stanford. L’auteur différencie le progrès horizontal qui suppose de copier ce qui marche (en passant de 0 à n) à un progrès vertical ou intensif, créateur de valeur (passage de 0 à 1), plus complexe à imaginer parce qu’il impose de faire ce que personne d’autre n’a encore jamais fait.

Si les propos de l’auteur concernant les facteurs de succès d’une aventure entrepreneuriale sont relativement consensuels, voire de bon sens (comme l’importance de trouver une idée originale avant de créer son entreprise, d’être dans le bon timing et de savoir s’entourer…), Thiel y développe également certains des concepts chers à la pensée libertarienne.

Il est par exemple extrêmement critique vis-à-vis de toute forme de régulation qu’il assimile aisément à de la bureaucratie. Il prêche les vertus d’un techno-solutionnisme décomplexé qui voit dans la technologie la réponse aux grands enjeux du XXIe siècle. Il milite également pour la constitution d’entreprises monopolistiques. Comme tout bon libertarien, Il est farouchement opposé à toute intervention Étatique. À part lorsque celle-ci sert ses propres intérêts comme les contrats publics très lucratifs qu’il a obtenu auprès du gouvernement américain pour sa société de surveillance Palantir. Ou encore lorsque cette même puissance publique fait bénéficier les entreprises de ses amis de conditions très favorables. Comme avec Tesla Motors, du non moins sulfureux et ami Elon Musk, qui bénéficie d’un prêt de 465 millions de dollars du Département américain de l’Énergie en 2010.

Une influence qui s’étend au-delà du business

Libertarien revendiqué vous l’aurez compris, il s’affirme dès 2016 comme soutien au candidat républicain Donald Trump en étant l’un de ses principaux donateurs dans la campagne électorale américaine. Sa fortune et son talent lui permettent d’influencer l’agenda politique. Son réseau s’étendant bien au-delà de la sphère économique. Via des actions de lobbying et de mécanismes maintenant bien connus des portes tournantes (revolving doors), il influence le législateur et tisse sa toile en favorisant la navette entre officiels qui viennent travailler pour sa société Palantir et sa garde rapprochée qui rejoint les services du Pentagone pour s’assurer des contrats juteux.

En 2021, c’est ce même Peter Theil qui présente un certain JD Vance, l’actuel vice-président des États-Unis à Donald Trump lors d’un meeting à Mar-a-Lago.

L’Europe en ligne de mire

L’influence de Peter Theil va bien au-delà des États-Unis, toujours avec Palantir, véritable levier d’influence qui s’étend maintenant en Europe à travers la multiplication des contrats avec les services de renseignements et les services publics. Si l’entreprise n’annonce pas de chiffre de croissance pour l’Europe, elle a généré un CA de 2,8 milliards en 2024 au niveau mondial, en croissance de 29%. Au Royaume-Unis, l’entreprise compte notamment NHS, GCHQ, le ministère de la Défense et le Ministère de l’Intérieur. En 2023, la France est le 3e marché de Palentir qui compte comme clients Airbus, Stellentis ou encore la Société Générale (décidément, la souveraineté ne fait pas bon ménage avec le business). Si la DGCI française s’est décidée à s’émanciper du logiciel de surveillance américain, l’entreprise vise toujours à influencer l’agenda politique et considère le RGDP, le Digital Service Act et l’IA Act comme des initiatives bureaucratiques qui freinent l’innovation. Elon Musk autre membre de cette Mafia semble aussi vouloir imposer sa vision du monde et de l’Europe en intervenant de manière plus au moins subtile sur l’agenda politique européen.

L’Europe serait-elle assez forte pour résister à ce que l’économiste et ancien ministre des finances grec Yanis Varoufakis nomme le techno-féodalisme ? C’est-à-dire un ordre économique mondial structuré désormais par les géants du numérique et leurs dirigeants. Notre destin est entre nos mains. À nous de faire les bons choix pour défendre une vision européenne démocratique, sociale et respectueuse de la vie privée face à cette mafia PayPal, terme revendiquée par ce même Peter Theil dans son ouvrage De Zéro à Un, réédité aux éditions J’ai Lu.

C’est tout pour aujourd’hui. Merci pour votre écoute et à très vite pour un nouvel épisode de la Tech à l’Envers.

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