ÉPISODE 5

Éloge du Bug: Chérir le Dysfonctionnement pour Être Libre, avec Marcello Vitali-Rosati

RÉSUMÉ

Aujourd’hui, nous vous proposons de faire l’éloge du bug. Faire l’éloge du bug, c’est développer sa curiosité numérique, c’est favoriser la prise d’initiative, c’est questionner ses usages. Faire l’éloge du bug, c’est faire naître l’esprit critique en favorisant la bricole, c’est défaire, démonter, pour mieux comprendre les dispositifs et ne plus les subir. Faire l’éloge du bug, c’est chérir le dysfonctionnement pour être libre.

Rendre le monde plus intuitif, plus efficace, plus fonctionnel, tel est la promesse des acteurs du numérique. Pourtant, ne risquons-nous pas de réduire notre monde à une vision simpliste dictée par des intérêts avant tout économiques ? Quels sont les risques liés à l’acceptation d’activités toujours suggérées et validées par les dispositifs numériques comme les notifications, le design et l’ergonomie de nos outils? Comment la rhétorique de l’immatérialité limite notre capacité de compréhension? Comment imaginer des alternatives qui remettent la shkolé au centre du dispositif? Loin d’être technophobe, notre invité aujourd’hui prône un usage décomplexé et aventureux des outils numériques ou l’utilisateur est le moteur premier et principal. Remettre la technologie au service de l’humain, c’est le sujet que nous avons le plaisir d’aborder aujourd’hui avec Macello Vitali-Rosati.

NOTRE INVITÉ

Éloge du Bug: Chérir le Dysfonctionnement pour Être Libre. Marcello Rosati Vitali

Marcello Vitali-Rosati

Philosophe et spécialiste d'édition numérique, Marcello Vitali-Rosati est professeur au département des littératures de langue française de l'Université de Montréal, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les écritures numériques et de la Chaire d'excellence en édition numérique à l'Université de Rouen. Il développe une réflexion philosophique sur ce que devient le monde à l'ère des technologies numériques.

CE QU'IL FAUT RETENIR

  • L’importance de la pensée critique : « c’est important d’être critique parce que c’est comme cela qu’on avance. Je revendique un éloge de la pensée critique en tant qu’ inutilité fondamentale qui arrête, qui bloque, qui nuit au fonctionnement de la société. Et je pense que les philosophes aussi ont ce rôle là de ne pas être utile, mais plutôt de nuire ».

 

  • L’oisiveté militante : C’est s’investir dans une activité non marchande, qui ne produit rien, qui n’est pas dans le système de négoce (le negotium). C’est la suspension d’un paradigme des fonctionnements qu’on a naturalisé. Il ne faut pas confondre l’oisiveté avec la paresse. Il faut renverser le paradigme, il faut regarder le fait de perdre du temps comme quelque chose de positif.

 

  • La rhétorique de l’immatérialité : C’est l’idée du fait que le monde puisse être fondamentalement divisé en deux. D’un côté, les choses immatérielles qui sont les choses qui comptent plus, qui ont une valeur symbolique supérieure, et de l’autre côté, les choses matérielles qui comptent moins et qui normalement ont moins de valeur symbolique. Il y a aussi une tradition métaphysique longue de différence entre hommes et femmes, les hommes étant du côté de l’immatérialité, tout ce qui a de la valeur symbolique, la forme, les contenus et les femmes étant du côté de la matérialité, elles nourrissent l’enfant, elles s’occupent de la maison, elles s’occupent de faire le feu. L’appropriation de cette rhétorique par les grands entreprises technologiques et par les GAFAM permet d’une part de valoriser l’entreprise technologique et de l’autre part d’invisibilité les réels enjeux.

 

  • Littératie numérique: C’est l’idée de développer une capacité critique, d’être capable de questionner des modèles, d’être à l’écoute du dysfonctionnement. La littératie numérique est d’abord une capacité de comprendre la non neutralité des dispositifs. La première chose, c’est de rendre compte qu’il y a des visions du monde derrière chaque produit. Il faut ensuite se rendre compte de la multiplicité des possibles.

 

  • Ce n’est pas un bug, c’est une fonctionnalité. Le bug arrête le flux, nous bloque pendant qu’on fait quelque chose. Il nous fait faire quelque chose d’autre qu’on ne voulait pas faire. D’où cette expression assez drôle des informaticiens. J’ai développé un truc, ça ne marche pas et je te dis non, non, ce n’est pas que ça ne marche pas, c’est une fonctionnalité.

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