Longtemps cantonnés aux espaces cloisonnés des laboratoires et les entrepôts, les robots humanoïdes – comprendre des robots qui ont l’apparence humaine – gagnent progressivement en autonomie d’action et en compétences, leur permettant de préempter de nouveaux espaces. Des transports aux maisons médicalisées, en passant par nos domiciles, nos écoles et nos frontières, les robots humanoïdes vont-ils devenir nos nouveaux compagnons ?
Les robots humanoïdes, au service de la société
Dans bien des domaines, ces robots affectifs pourront jouer un rôle bénéfique dans la société. Par exemple, dans les pays occidentaux qui peinent à financer et à former le personnel médical en nombre suffisant, ces robots pourraient nous aider à répondre aux défis du vieillissement de notre population.
Nous pourrions envisager dans un futur proche la capacité de ces machines à soigner certaines pathologies en étant programmés pour simuler une empathie artificielle, et ainsi améliorer l’état émotionnel de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ; et réduire la dégénérescence cognitive des personnes âgées en les stimulant grâce à des robots compagnons. (Tisseron, 2018). Ils pourraient même nous assister dans les tâches du quotidien, en faisant la cuisine, le ménage, le repassage, et même ranger la vaisselle et jouer avec nos enfants.
Mais avant qu’un robot à l’apparence de Tom Cruise puisse nous préparer des cocktails le vendredi soir, il faudra probablement réussir à modifier la perception que nous avons de ces machines. En effet, notre imaginaire collectif a été bercé par des auteurs de science-fiction pour qui les humanoïdes ont la fâcheuse tendance à vouloir s’émanciper de leur créateur. Vous aurez bien sûr reconnu le fameux T1000 dans Terminator ou Sonny dans iRobot qui font peu de cas des célèbres lois de la robotique d’Isaac Asimov qui je le rappelle interdisent aux robots de nous faire du mal, à nous les gentils humains.
Robots humanoïdes : enjeux et risques cognitifs
NEO de la société norvégienne 1X, Optimus de Tesla, ou encore Figure…La tentation est grande pour les acteurs de la robotique de développer des prototypes à l’apparence humaine. Officiellement, pour des raisons fonctionnelles. En effet, nos maisons et nos bureaux ont été désignés par et pour des humains, donc un automate anthropomorphe aux capacités humaines pourra s’y mouvoir plus facilement.
Mais à travers un design plus humain, ces entreprises pourraient être tentées de nous donner l’illusion que ses machines seraient nos équivalents, créant de possibles confusions cognitives. Comment ? En se basant sur le développement de l’informatique affective, qui vise à reconnaître et simuler les émotions humaines en observant et en analysant le clignement de nos yeux, notre transpiration, notre rythme cardiaque, notre température corporelle, pour que ces données soient interprétables et exploitables par les machines. Mais également en se basant sur l’analyse du traitement automatique du langage naturel, c’est-à-dire l’étude de notre prosodie, donc la manière dont nous nous exprimons verbalement.
Cette capacité de la machine à mieux comprendre et simuler nos émotions pourrait entrainer trois croyances aux conséquences désagréables :
En premier lieu, notre croyance en leur capacité à faire preuve d’empathie naturellement. Avec le risque comme le souligne le psychiatre Serge Tisseron de prêter aux robots des émotions et des pensées qu’ils n’ont pas. Une fragilité cognitive qui pourrait être utilisée de manière peu éthique par certains concepteurs.
En deuxième lieu, une l’empathie simulée qui pourrait être utilisée pour collecter toujours plus de données personnelles et confidentielles, réduisant encore un peu plus le peu de vie privée et d’intimité qu’ils nous reste.
Enfin, le troisième risque est d’éprouver des sentiments humains vis-à-vis de nos homologues à boulons et de finir par les préférer aux humains, comme dans le film de Spike Jonze, « her ».
D’autres entreprises comme Prosper Robotics choisissent une voie différente. Designer des automates domestiques à l’apparence volontairement moins humaines, limitant ainsi le risque de confusion cognitive.
En tant que consommateur, Il ne tiendra qu’à nous de faire les bons choix et encourager l’industrie robotique à nous proposer des compagnons respectueux de nos fragilités cognitives et de notre vie privée.
A très vite pour un prochain épisode de la Tech à l’Envers.